Les 28 et 29 juin 2022 avait lieu le premier Atelier d’IfisLab « L’intelligence artificielle et le travail dans les industries de santé et l’industrie cosmétique », évènement en partenariat avec le programme LaborIA. L’objectif de ces deux journées : réfléchir sur les impacts de l’IA sur le travail dans les industries de santé et de la cosmétique, cas d’usage à l’appui.

IfisLab est le laboratoire de recherche intégré au groupe Ifis, dédié au développement des compétences des collaborateurs des industries du médicament, du dispositif médical et cosmétiques.

Piloté par Nora Yennek, chercheure associée au Laboratoire Interdisciplinaire en Neurosciences, Physiologie et Psychologie (Université Paris-Nanterre), IfisLab a pour missions de concevoir et transposer des recherches en sciences humaines, en particulier en sciences cognitives et sciences de l’éducation et de la formation, pour penser l’innovation pédagogique en phase avec les évolutions des métiers et des compétences.

IfisLab travaille avec un collectif de chercheurs et d’acteurs du secteur des technologies et de l’apprendre, au travers de partenariats institutionnels et privés pour faire évoluer les pratiques de développement de compétences et évaluer l’impact des dispositifs en question. L’enjeu de ces travaux  ?  Mieux prendre en compte la motivation, les stratégies d’apprentissage, l’intérêt et l’attention des apprenants, pour agir sur le design des interfaces technologiques d’apprentissage.

 

Des ateliers croisant technologies et sciences humaines pour anticiper le travail de demain

Dans cette optique, IfisLab a mis en place un tout nouveau format : Les ateliers d’IfisLab. Il permet aux acteurs de la recherche et aux collaborateurs des industries d’échanger, d’enrichir les réflexions et de construire des cas d’usages autour de sujets nouveaux. Le tout premier Atelier d’IfisLab est né de cette volonté - et au vu de l’intérêt du thème mis à l’honneur -, pour les industriels du secteur.  L’événement a obtenu le soutien du Leem et du CFA Leem apprentissage.

 

Les ateliers d’IfisLab et le programme LaborIA

C’est dans ce cadre qu’a été pensé le partenariat entre les Ateliers d’IfisLab et le LaborIA. Le LaborIA ? Il s’agit d’un programme national lancé conjointement en 2021 par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria).

Le LaborIA se présente comme un centre de ressources et d’expérimentation sur l’IA, exclusivement dédié au milieu professionnel (et donc à des enjeux de travail, d’emploi, de dialogue social et de développement de compétences). Le programme est géré par l’institut d’innovation technologique et sociale Matrice, qui pilote un projet d’étude et d’expérimentation sur l’IA au travail en France. Un vaste chantier qui inclut plusieurs types d’actions :

  • La réalisation d’un baromètre de l’IA au travail 
  • Des expérimentations directement au sein des entreprises
  • L'organisation de séminaires.

 

Un espace d’échanges et de partage

IfisLab, fort de ses réflexions autour de l’amélioration des pratiques et du développement des compétences, a tenu à porter le sujet de l’IA au travail pour en faire émerger de réels cas d’usages liés aux industries de santé et cosmétiques. C’est dans cette perspective que le Laboratoire de l’innovation du groupe Ifis a rencontré Matrice, qui opère le programme LaborIA, pour déployer le séminaire LaborIA sous forme d’ateliers dédiés aux industries de la santé et de la cosmétique.

Cet évènement a permis à des industriels et des organisations telles que l’Académie nationale de Pharmacie de partager et d’échanger sur les relations entre technologie IA et process industriels, en vue de penser l’intelligence artificielle en lien avec l’activité humaine.

Si les besoins n’étaient pas forcément homogènes, certaines organisations ont exprimé lors de cette double journée leurs intérêts vis-à-vis de l’usage de l’IA. Elles souhaitent par exemple utiliser cette technologie pour gagner en efficacité ; d’autres pour faciliter l’intégration de nouveaux collaborateurs ; ou d’autres encore pour optimiser l’expérience utilisateur.

Ces deux journées ont constitué l'opportunité pour les participants de faire preuve d'innovation en pensant leur travail de manière différente, leur permettant d'imaginer de nouveaux terrains d'expérimentations pour le développement de projets d'IA.

 

Quels collaborateurs des industries de santé sont concernés par l’IA ?

Qui dit IA dit potentiellement « automatisation des tâches »… mais cette automatisation soulève plusieurs questions. 

En premier lieu celle sur les métiers concernés. Grâce aux apports théoriques et à l’expertise du programme LaborIA, les participants ont dressé une liste non exhaustive de ces métiers. Les opérateurs sur les lignes de production en usine, les agents d’entretien, les activités d’analyse de premier niveau sur les données enregistrées sur les lignes de production, les métiers d’assistants, certaines activités de la Qualité et les métiers de la comptabilité semblent être les activités les plus sensibles à première vue à la potentielle automatisation d’une partie de leurs missions.

En plus de la réflexion autour des métiers et de l’impact potentiel de l’IA sur ceux-ci, les participants ont également eu une réflexion plus globale sur l’intégration de l’IA dans les industries de santé, ce qui leur a permis de dresser plusieurs constats.

Mondialisation, sous-traitance, démarches d’automatisation, implantation du LEAN (méthode consistant à produire « au plus juste »)… Les usines pharma se sont certes transformées ces dernières années, mais l’IA demeure encore une technologie dont l’implémentation n’est pas au même niveau de maturité selon les entreprises.  Pour certains industriels, « on en est seulement à passer à l’industrie 2.0. On ne minimise pas l’IA mais on n’en est pas encore là. En revanche, on peut maintenant utiliser des données qui n’existaient pas avant, tels que les commentaires et données utilisateurs ». 

 

Des réflexions à partir de cas d’usage

« Didactique » et « pratique » étaient les maîtres mots d'un événement scindé en deux parties :

  • Un volet théorique, autour de la conception et du développement d’un projet d’IA : éléments de définition, types d’apprentissage en IA, etc.
  • L’étude de cas d’usage, qui ont mis en lumière deux utilisations possibles de l’intelligence artificielle au sein des industries de santé : la gestion des réclamations et la formation. Avec dans les deux cas, une réflexion menée sur l’impact auprès d’une population-clé : les collaborateurs des industries.

Prenons un cas d’usage concerne directement l’Ifis : la formation.

 

De l’usage du Natural Language Processing (NLP, ou Traitement du Langage Naturel) pour faciliter l’appropriation de la Documentation

Les procédures et exigences au sein des industries de santé sont très élevées. La nécessité de maintenir les connaissances des collaborateurs à jour de la règlementation et la bonne intégration des procédures dans leur activité est essentielle pour assurer la qualité des produits. Ainsi, l’intégration de technologies facilitantes pour apprendre est un challenge important pour les industriels.

Un cas d’usage développé par IfisLab et Neuronys a été partagé avec l’un des groupes travaillant sur la formation pour illustrer l’apport de l’IA dans les environnements d’apprentissage. Un article co-publié par Nora Yennek et Nejma Belkhdim sur la recherche en cours est publié ici.

Un autre cas d’usage a été proposé par les participants : comment faciliter l’appropriation des connaissances des collaborateurs, à partir de la Documentation de l’entreprise ?

À cette problématique, une solution est envisagée : un projet d’IA capable de « ressortir les concepts / thématiques clés de l’ensemble de la documentation pour une prise de connaissance ciblée en fonction du profil des individus et groupes de personnes qui doivent en prendre connaissance ».

Adapter la mise à disposition de l’information documentaire en fonction du profil utilisateur ? C’est là que le NLP peut intervenir pour détecter les informations-clés de manière automatique et permettre de les relier aux bons profils.

 

Natural Language Processing

 

Les limites et risques du projet

Quelles conséquences pour l’organisation du travail ? Pour les individus ? Quid de l’impact sur la prescription de contenus spécifiques par l’IA, fonction des profils utilisateurs ? La démarche adoptée durant l’atelier a permis également de penser les limites et risques que l’intégration de ce projet pourrait entraîner sur le travail.

Les participants ont notamment souligné deux points. Le premier concerne la nature des contenus. Ils seraient certes plus ciblés, mais – revers de la médaille –  également « amoindris ». Ils sous-tendent une information moins riche et donc, le « risque d’une perte de vision globale ». Second point : en termes d’engagement, les participants à l‘atelier ont souligné le risque de la « perte d’autonomie ressentie sur la prise de connaissance », voire « une infantilisation en choisissant ce qui doit être lu ».

De ces réflexions, il ressort un constat limpide : c’est bien un regard global sur l’organisation du développement des connaissances et des compétences des collaborateurs au sein de l’entreprise qui doit accompagner la mise en place de ce type de technologie prometteuse. Cette vision facilitera le traitement efficace des informations et l’appropriation de l’IA dans le cadre de l’activité professionnelle.

 

L’humain reste essentiel dans le déploiement de l’IA !

Indépendamment de leurs apports théoriques et méthodologiques, ces deux journées d’atelier ont permis aux participants de prendre conscience de deux points quant à la gestion d’un projet d’IA :

  • L’intelligence artificielle implique des dimensions et enjeux nouveaux qui viennent s’implémenter à un projet d’innovation « classique », à la transformation des métiers, à la transformation du travail. De nouvelles questions se posent, avec des conséquences en termes structurels et humains
  • L’expertise métier est essentielle dans la gestion d’un projet IA. C’est le spécialiste métier qui pourra guider le projet afin qu’il réponde à la réalité du terrain. Preuve supplémentaire que l’humain demeure au centre du projet d’IA.